Maupassant est sans conteste un grand conteur. Sa nouvelle « Mademoiselle Fifi » rappelle, par son contexte, sa célèbre nouvelle « Boule de Suif ». En effet, l’action se situe pendant la guerre de 1870 opposant la France à la Prusse. L’intrigue se passe au château d’Uville, en France. S’y trouvent des soldats allemands. Or, ces hommes occupent ce château depuis trois mois maintenant et leur lassitude est grande. La situation s’avère d’autant plus intenable que la pluie ne cesse de tomber. Pour se divertir, le marquis Wilhem d’Eyrik, appelé Mademoiselle Fifi en raison de sa coquetterie, tire par exemple dans des tableaux, ou fait sauter des vases en porcelaine. La violence est déjà là, latente. Pour combler leur ennui, les soldats décident de faire venir cinq prostituées.
Les obscénités vont bon train, l’alcool aussi et les Prussiens décident de provoquer les prostituées en affirmant la toute puissance de la Prusse sur la France. Rachel, la jeune femme qui est censée s’occuper de Mlle Fifi, rappelle qu’elle ne lui est pas soumise. La tension monte très vite et Rachel décide de poignarder et de tuer Mlle Fifi avant de s’enfuir vers le clocher du village. Là-bas, elle fait sonner les cloches afin de montrer l’insoumission du village face à l’occupant Prussien. La nouvelle ne saurait pourtant être réduite à une nouvelle patriotique, loin de là. Le fait même que ce soit une prostituée qui se révolte contre l’ennemi montre aussi toute l’attention que porte Maupassant aux figures féminines, à ces femmes soumises au désir des hommes mais suffisamment libres pour se défendre face à la violence physique (Mlle Fifi lui mord l’oreille jusqu’au sang) et face à la violence verbale.
La forme courte adoptée par Maupassant permet justement une concentration des effets et des émotions pour un lecteur qui pressent, dès le début, en raison de cette pluie diluvienne qui ne cesse de tomber, que quelque chose va se briser. En filigrane, également, Maupassant laisse çà et là des indices au lecteur. La question posée à Mlle Fifi : « Vous êtes fou ? » laisse bien entendre à quel point le personnage éponyme allie grossièreté, violence et folie dans sa débauche et ses déboires. Ce qui symbolise encore davantage ce plaisir de l’ambiguïté, c’est le titre même. Nul ne s’attend à voir derrière Mlle Fifi un homme si cruel.
Quelques citations
« Dans la salle ils trouvèrent les trois officiers de moindre grade : un lieutenant, Otto de Grossling ; deux sous-lieutenants, Fritz Scheunaubourg et le marquis Wilhem d’Eyrik, un tout petit blondin fier et brutal avec les hommes, dur aux vaincus, et violent comme une arme à feu. Depuis son entrée en France, ses camarades ne l’appelaient plus que Mlle Fifi. Ce surnom lui venait de sa tournure coquette, de sa taille fine qu’on aurait dit tenue en un corset, de sa figure pâle où sa naissante moustache apparaissait à peine, et aussi de l’habitude qu’il avait prise, pour exprimer son souverain mépris des êtres et des choses, d’employer à tout moment la locution française – fi, fi donc, qu’il prononçait avec un léger sifflement. »
« Soudain il la mordit si profondément qu’une traînée de sang descendit sur le menton de la jeune femme et coula dans son corsage. Encore une fois, elle le regarda bien en face, et, lavant la plaie, murmura : « Ça se paye, cela. » Il se mit à rire, d’un rire dur. « Je payerai », dit-il. »
Bio rapide et liens
Guy de Maupassant, né en 1850 et mort en 1893, est un grand écrivain du XIXe siècle français. On l’inscrit généralement dans le courant naturaliste.
Grand auteur de nouvelles et de romans, allant parfois jusqu’au fantastique, il est surtout connu pour des œuvres comme Bel-Ami, Une vie ou Boule de suif.