L’avis d’un lecteur passionné à propos de la lecture, qu’il ne sait exercer qu’avec passion – l’ai-je déjà dit ? Dantzig fait preuve d’une culture toujours grande, jamais pompeuse. Mais il use aussi d’un humour vif qui colore cette oeuvre éclairante. Comme quoi on peut faire de la « théorie de la littérature » sans que cela ne devienne le lieu d’immenses paragraphes poussiéreux d’universitaires coincés jusqu’au trou du cul. Pardonnez ma franchise.
Quelques citations tirées du livre
« Apprendre à lire : Je jouais aux petites voitures, puis, quand l’enfantillage de mes parents était satisfait, je retournais au bonheur des bonheurs, lire. Ah, voilà une autre raison de lire, sans doute. Lire, c’est beaucoup plus intéressant que de se distraire.
Le lecteur égoïste : Un bon lecteur écrit en même temps qu’il lit. Il entoure, raie, met des appréciations dans tous les interstices laissés libres par l’imprimeur. […] Un bon lecteur est un tatoueur. Il s’approprie, tant soit peu, le bétail des livres. On lit pour comprendre le monde, on lit pour se comprendre soi-même. […] On ne lit pas pour le livre, on lit pour soi. Il n’y a pas plus égoïste qu’un lecteur.
Lire pour se trouver (sans s’être cherché) : Les bons lecteurs, on devrait les enfermer pour lire ! On leur verserait un salaire et ils ne feraient que ça, sauver la littérature en la lisant !
Comment lire ? Je répondrais : avec méthode. La passion est la plus raisonnable.
Lire pour se consoler : Dantzig cite alors Montesquieu : « Je n’ai jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture n’ait dissipé ».
Lire le théâtre : Oui, on lit par protestation contre la vie. La vie est très mal faite. On y rencontre sans arrêt des gens inutiles. Elle est pleine de redite. Ses paysages sont interminables. Si elle se présentait chez un éditeur, la vie serait refusée.
Les livres : Lire ne sert à rien. C’est bien pour cela que c’est une grande chose. Nous lisons parce que ça ne sert à rien. Quand on pense qu’on peut réussir une carrière dans le CAC 40 sans avoir jamais rien lu de sa vie ! C’est pourquoi il faut être gentil envers les puissants qui lisent. Ils pourraient faire autre chose. »