Cent ans de solitude est l’un des romans les plus lus au monde, vendu à près de 30 millions d’exemplaires. Et (pour une fois ?) les lecteurs ne se sont pas trompés, car ce livre de Gabriel Garcia Marquez est un véritable chef-d’œuvre. Nous suivions donc la famille Buendia et les nombreuses péripéties des différentes générations ; car 6 générations sont ainsi mises devant nos yeux. Le village imaginaire de Macondo revêt un charme particulier, entre réalisme et fantastique, ce que l’on appellera plus tard le réalisme magique. Marquez se plaît à mêler éléments historiques véritables et faits magiques comme des apparitions et des prédictions. Le fantastique est présent dans le quotidien et les personnages ne semblent pas s’en affoler outre mesure. La naissance et la mort de Macondo correspond à la naissance et à la mort des Buendia, mais l’organisation du temps dans l’œuvre n’est pas si aisé. Le temps est à la fois historique et cyclique. L’espace est imaginaire mais on peut imaginer qu’il s’agit d’une réminiscence de l’auteur, qui a passé son enfance en Colombie. Les personnages sont si nombreux et leurs noms sont parfois si ressemblants (voire tout à fait similaires) qu’il faudrait créer un arbre généalogique pour comprendre leurs liens. De plus, l’auteur ajoute des péripéties d’ordre politique, militaire, mêlant aisément héroïsme et pathétisme, immobilisme du village et long voyage de certains des Buendia.
Au fond, Gabriel Garcia Marquez aime à nous perdre dans ce village semi-magique, au cadre étrange et naturel. Les péripéties et les naissances rythment un récit qui se dirige tout droit vers la fin du village, fin annoncée dès les premières pages, fin connue comme si nous assistions à une tragédie. Malgré cette apparence d’aventure et de richesses thématiques, les Buendia sont condamnés à cent ans de solitude. De fait, les thématiquessolitude reflètent l’ambivalence du texte, apparemment rieur et coloré.
En effet, la solitude (comme le nom l’indique) ou l’inceste sont des thèmes omniprésents, même s’ils ne sont pas traités de façon classique : c’est-à-dire que l’auteur ne sort pas à tout instant les violons pour faire pleurer son auditoire. C’est que l’inceste est une pratique courante, et les habitants de Macondo, tout comme le narrateur, ne semblent pas s’en émouvoir plus que cela. Notre système de valeurs et notre vision du bien/du mal est justement mise à mal dans le roman. C’est que la vie du village n’appartient qu’au village. Néanmoins, la fin de Macondo semble sonner comme une certaine critique du système capitaliste et de l’argent.
En effet, Macondo, autrefois ouvert à tous, aux rues remplies de voyageurs aux objets magiques, uniquement tourné vers sa subsistance et son plaisir, subi plus tard les lois des promoteurs : là est sa décadence. Cette décadence s’immisce partout, dans tous les personnages, mais ne parvient pas à ternir leur caractère propre. En effet, Cent ans de solitude fait aisément concurrence à Balzac en ce qui concerne « l’Etat civil ». C’est que G. Garcia Marquez sait rendre chacun de ses personnages, à sa manière, exceptionnel. C’est un des nombreux facteurs qui rendent cet ouvrage incroyable.
Quelques citations
« A l’entrée du chemin du marigot, on avait planté une pancarte portant le nom de Macondo et, dans la rue principale, une autre proclamant : Dieu existe. Pas une maison où l’on n’eût écrit ce qu’il fallait pour fixer dans la mémoire chaque chose, chaque sentiment. Mais pareil système exigeait tant de vigilance et de force de caractère que bon nombre de gens succombèrent au charme d’une réalité imaginaire sécrétée par eux-mêmes, qui s’avérait moins pratique à l’usage mais plus réconfortante. »
« Un jour que le père Nicanor s’en vint le voir sous son châtaignier avec un damier et une boîte de jetons pour le convier à jouer aux dames avec lui, José Arcadio Buendia ne voulut point accepter car, lui dit-il, jamais il n’avait pu comprendre quel sens pouvait revêtir un combat entre deux adversaires d’accord sur les mêmes principes. «
Bio rapide et liens
Né en 1927, Gabriel Garcia Marquez est un écrivain et journaliste colombien.
L’ensemble de son oeuvre lui a valu le prix Nobel en 1982.