Tout le monde connaît Cinna car cette pièce est sans doute une des plus grandes tragédies classiques. Ayant l’originalité d’être une tragédie à fin heureuse, la pièce de Corneille ne s’achève pas par la mort du héros tragique mais par un acte de magnanimité qui vient prouver la grandeur de l’Empereur Auguste. Or, durant toute l’intrigue, la tension monte et peu d’éléments laissent présager un tel acte de grandeur de la part de l’Empereur contre lequel on conspire. En effet, Cinna est avant tout une tragédie de la conspiration. Emilie, souhaitant venger son père mort par la faute d’Auguste, demande à son amant Cinna de la venger. Maxime et Cinna, on l’apprend, sont alors déjà à la tête d’une conspiration mais Auguste n’en sait rien et les consulte comme amis car il est las du pouvoir et ne sait s’il doit se démettre de son pouvoir ou continuer à l’exercer. C’est là que se révèle l’aspect paradoxal du personnage de Cinna : il conseille à Auguste de maintenir fermement son pouvoir alors même qu’il projette d’attenter à la vie de l’empereur C’est en cela que la dissimulation joue un rôle crucial dans cette tragédie politique.
Bien vite, Cinna se retrouve face à un dilemme dans la mesure où, d’un côté, Emilie le presse de tuer Auguste tandis que, d’un autre côté, Auguste multiplie les générosités et offre la main d’Emilie à Cinna. Or, Emilie traite Cinna de lâche s’il se contente de la proposition d’Auguste. Le renversement a lieu lorsque l’affranchi de Maxime, Euphorbe, décide de révéler la conjuration à Auguste, qui ne se remet pas d’une telle trahison. Maxime, secrètement amoureux d’Emilie, se fait passer pour mort auprès de l’Empereur afin de partir avec Emilie. Cette tentative s’avère finalement être un échec. Auguste, alors que Cinna et Emilie se disent prêts à mourir en guise de punition, décide d’accorder son pardon. Sa générosité apparaît comme un pur éclat d’héroïsme.
Quelques citations
Cinna : « En ces extrémités, quel conseil dois-je prendre ?
De quel côté pencher ? à quel parti me rendre ?
Qu’une âme généreuse a de peine à faillir !
Quelque fruit que par là j’espère de cueillir,
Les douceurs de l’amour, celles de la vengeance ,
La gloire d’affranchir le lieu de ma naissance,
N’ont point assez d’appas pour flatter ma raison,
S’il les faut acquérir par une trahison,
S’il faut percer le flanc d’un prince magnanime
Qui du peu que je suis fait une telle estime,
Qui me comble d’honneurs, qui m’accable de biens,
Qui ne prend pour régner de conseils que les miens.
Ô coup ! ô trahison trop indigne d’un homme !
Dure, dure à jamais l’esclavage de Rome !
Périsse mon amour, périsse mon espoir,
Plutôt que de ma main parte un crime si noir ! » (III, 3)
Auguste : « En est-ce assez, ô Ciel, et le sort pour me nuire,
A-t-il quelqu’un des miens qu’il veuille encor séduire ?
Qu’il joigne à ses efforts le secours des enfers :
Je suis maître de moi comme de l’univers ;
Je le suis, je veux l’être. Ô siècles, ô mémoire,
Conservez à jamais ma dernière victoire !
Je triomphe aujourd’hui du plus juste courroux
De qui le souvenir puisse aller jusqu’à vous.
Soyons amis, Cinna, c’est moi qui t’en convie :
Comme à mon ennemi je t’ai donné la vie,
Et malgré la fureur de ton lâche destin,
Je te la donne encor comme à mon assassin. » (V, 3)
Bio rapide et liens
Pierre Corneille, né en 1606 et mort en 1684, est l’un des plus grands dramaturges français du XVIIe siècle.
S’essayant tant au genre de la comédie avec La Place royale qu’à celui de la tragi-comédie, avec Le Cid, Corneille est aussi très connu pour ses tragédies parmi lesquelles figurent Médée, Horace et Cinna.