La trame de cette histoire touchante s’inspire d’un vers de Robert Burns : « The best laid schemes o’mice an’men gang aft a-gley : les plans les mieux conçus des souris et des hommes souvent ne se réalisent pas ». George, petit et débrouillard, veille sur Lennie, colosse capable de briser n’importe qui avec ses mains. Lennie, pour le moins simplet, adore caresser les choses douces : les souris, les chiots, les lapins, la soie des robes… Les deux compères, dans leurs tribulations de journaliers dans les ranchs, se voient toujours causer des ennuis à cause du comportement de Lennie, pourtant pas méchant pour un sou. George se fait passer pour son cousin, son ami, un parent. Dans la Californie de la crise des années 30, ils ne réussissent jamais à rester quelques temps dans le même ranch et à augmenter leur petit pécule. En effet, les deux amis ont un rêve : s’acheter une petite ferme pour pas cher, où ils vivraient en autarcie, avec jardin et… lapins.
George a créé de toutes pièces ce rêve dans la tête de Lennie, et George s’est lui aussi pris à croire à cette chimère. Le nouveau ranch traversé par les deux personnages principaux dévoile un peu plus la misère de chacun des journaliers. Crooks, le « nègre », est victime de racisme. Curley aime à brutaliser ceux qui peuvent passer pour plus forts que lui. Sa femme est considérée comme une aguicheuse. Ces personnages parlent de façon simple, sans détour, avec franchise. Leur parler est familier, mais Slim ou Lennie conservent une certaine aura, une posture quasi-épique. C’est que la force règne, et que Lennie, déficient mentalement, ne peut éviter les embûches indéfiniment, et ce malgré toute la bonne volonté de George.
La sobriété, la simplicité du style nous permettent de rentrer dans la tête de Lennie. S’il est vu comme un « taré », Lennie est pourtant celui qui permet aux autres de se raconter réellement, il est « accoucheur de mots ». (Crooks, la femme de Curley, Candy). La condition difficile des ouvriers agricoles les pousse à rêver d’un impensable ailleurs. Dans ce décor de virilité et de travaux difficiles, la douceur du géant Lennie Small (géant nommé « Petit… ») est bouleversante. L’un des plus beaux romans d’amitié qui existe, malgré la cruelle fin. Le geste de George est sans doute la marque extrême de son amitié pour Lennie.
Quelques citations
« La voix de George se fit confidentielle.
– J’vas te dire ce qui m’a fait cesser. Un jour, on était un tas de types sur la bord du Sacramento. J’men sentais en veine de blagues. J’me tourne vers Lennie et j’lui dis : « Saute. » Et il saute. Il savait pas nager une brasse. Pour un peu, il se noyait avant qu’on ait pu le repêcher. Et il a été tellement chic avec moi, parce que je l’avais repêché, il avait complètement oublié que c’était moi qui l’avait fait sauter. Ben, après ça, j’ai plus jamais recommencé.
– C’est un brave type, dit Slim. Y a pas besoin d’abord de la cervelle pour être un brave type. Des fois, il me semble que c’est même le contraire. Prends un type qu’est vraiment malin, c’est bien rare qu’il soit un bon gars. »
« Crooks se pencha, très animé :
– C’est pas autre chose qu’un nègre qui parle, et un nègre qu’a le dos cassé. Par conséquent, ça ne veut rien dire, tu comprends ? De toutes façons, tu te rappellerai pas. C’est pas une fois que j’ai vu ça, mais mille… Un type qui parle avec un autre, et puis, ça n’a pas d’importance s’il n’entend pas ou s’il ne comprend pas. L’important c’est de parler, ou bien de rester tranquille, sans parler. Peu importe, peu importe.
Son agitation avait augmenté, et maintenant, il se martelait le genou avec sa main.
– George peut te dire un tas de conneries et ça n’a pas d’importance. Ce qui compte, c’est parler. C’est être avec un autre. Voilà tout. «
Bio rapide et liens
Né en 1902, John Steinbeck s’est largement inspiré de sa Californie natale pour écrire ses oeuvres.
Prix Nobel en 1962, ses romans les plus connus sont Les raisins de la colère, La perle, Des souris et des hommes et A l’Est d’Eden.