Jean le Veinard est un conte malicieux et pour le moins singulier. Il suit une trame assez classique : la route du héros, Jean, qui rentre chez lui après avoir travaillé pendant 7 ans. Son maître l’a payé, pour ces années de service, d’un lingot d’or. Ce précieux trésor, Jean ne va pas s’embêter à le porter : il va successivement l’échanger, selon ses envies, contre un cheval, une vache, contre des outils, de la nourriture. Jean nous est rapidement sympathique : son aspect « gaillard », sa simplicité et son naturel permettent rapidement au lecteur de s’identifier à lui. Jean reste aussi, au début du récit, un être de plaisir, au sens où il satisfait ses besoins immédiats sans songer à la suite.
Voyage pour le moins tranquille, sans monstre et sans épreuve ; mais on peut voir, dans ces différents « trocs », des étapes successives de l’évolution du personnage. Il n’est pas avare ou matérialiste : il préfère une bonne oie à un lingot d’or ! On a souvent critiqué les Frères Grimm pour leurs contes « en faveur du modèle bourgeois ». Ici, d’une certaine façon, et la fin le met un peu plus en lumière, c’est le marchandage et l’avarice qui sont critiquées. Après tout, le troc n’est qu’un temps, un décor ; ce qui importe avant tout, c’est que Jean revienne chez lui. Voilà pourquoi il est « veinard » : il revient chez lui sans accroc, sans plaies et avec le sourire aux lèvres. Il revient aussi sans lingot d’or, sans argent, sans possession. Mais cela est aussi… sans importance.
Une citation
« Jean se chargea de la pierre et continua sa route, le coeur content: ses veux brillaient de joie. « Je dois être né coiffé, s’écria-t-il, tout ce que je souhaite se réalise comme si j ‘étais un enfant du dimanche. » Cependant, comme il était sur ses jambes depuis le lever du jour, il commença de sentir la fatigue, et puis la faim le tourmentait, car dans sa joie d’avoir acquis la vache, il avait mangé toutes les provisions d’un seul coup. Pour finir, il eut de la peine à continuer et dut s’arrêter à chaque instant ; avec cela, les pierres lui pesaient d’une façon lamentable. Alors il ne put s’empêcher de penser qu’il serait bien agréable de n’avoir à les porter juste en ce moment. il se traîna comme une limace jusqu’à un puits, pensant s’y reposer et se désaltérer en buvant une gorgée d’eau fraîche mais afin de ne pas abîmer les pierres en s’asseyant, il les posa avec précaution sur la margelle du puits à côté de lui. Puis il s’assit et voulut se pencher pour boire, mais il les heurta légèrement par inadvertance et les deux pierres tombèrent lourdement au fond. Après les avoir vues de ses propres yeux s’engouffrer dans la profondeur du puits, Jean sauta de joie, puis, les larmes aux yeux, remercia Dieu de lui avoir fait cette nouvelle grâce et, sans qu’il eût rien à se reprocher, de l’avoir débarrassé si gentiment des lourdes pierres qui ne faisaient plus que le gêner. ll n’est personne d’aussi heureux que moi sous le soleil. », s’écria-t-il. Puis, le coeur léger et libre de tout fardeau, il s’en alla en gambadant jusque chez sa mère. »
Bio rapide et liens
Jacob et Wilhelm Grimm sont deux linguistes, philologues et collecteurs de contes de langue allemande.
Nés en 1785 et 1786, leur travail, d’abord de folkloristes, s’est rapidement transmuée en une grande réécritures de contes.