Si le titre de la nouvelle en dit déjà beaucoup de son contenu, la nouvelle n’en reste pas moins surprenante pour son lecteur. Katérina, nouvelle Lady Macbeth de la campagne russe, apparaît tout d’abord comme une femme qui s’ennuie. Délaissée par son mari marchand, elle décide de le tromper avec Serguéi, jeune bourreau des coeurs. Mais bientôt le beau-père de Katérina découvre l’adultère et souhaite dénoncer sa bru. Celle-ci, éprise passionnément pour son amant, empoisonne son beau-père. Au retour de son mari, elle lui avouera clairement cet adultère avant de l’assassiner avec l’aide de Sergéi. Katérina fait croire alors que son mari a disparu. Tout leur semble alors acquis : ils touchent un héritage conséquent et peuvent jouir tranquillement de leur amour. Mais on découvre un héritier en l’enfant qu’est Fédia, que les deux amants étoufferont sans remords. Mais ils sont pris sur le fait par les habitants du village et sont envoyés au bagne. C’est alors que Sergéi se désintéresse complètement de Katérina, qui devient livide en voyant son amant se tourner vers deux filles du convoi. Jalouse, folle, elle se jette sur sa pire rivale et l’emporte avec elle dans l’eau où elles se battent. « On ne les revit plus ».
Toute la force de la nouvelle de Leskov réside dans les reprises et les variations de l’oeuvre de Shakespeare. A l’image de Lady Macbeth, Katérina incarne la folie, la passion dans laquelle le personnage se perd. Comme le personnage de Shakespeare, elle est une femme brûlante, figure de la tentation et de la séduction dans la mesure où elle entraîne dans son dessein infernal son amant. Si elle représente le Mal c’est aussi parce qu’elle n’est pas qu’une femme : reniant sa féminité, elle ne veut rien savoir de l’enfant qu’elle met au monde et qu’elle a conçu avec Sergéi. Les présages sont présents dans la nouvelle, les symboles également : le chat qui se faufile toujours dans le lit de Katérina et de Sergéi et qui empêche l’héroïne de dormir rappelle la tache de sang impossible à nettoyer qui taraude l’esprit de Lady Macbeth somnambule. Grâce à tous ces éléments, Leskov trouve le sujet parfait pour mener son enquête sur une humanité où l’instinct débridé semble régner en maître quitte à mener au suicide. Leskov fait alors de Katérina une héroïne tragique, subissant les conséquences des actes qu’elle avait fomentés en vue de son intérêt et de son amour, mais aussi une héroïne féminine et charnelle, incarnant un certain érotisme. Tout est donc mis en place pour déstabiliser le lecteur qui est entre répulsion et pitié pour Katérina.
Quelques citations
« On rencontre parfois dans nos régions des êtres si extraordinaires que leur souvenir, même après de longues années, suscite toujours une sorte de frémissement intérieur. Telle était Katérina Lvovna Ismaïlov, femme d’un marchand, qui fut héroïne d’un drame épouvantable et qu’on surnomma chez nous Lady Macbeth du district de Mtsensk. Katérina Lvovna n’était pas une beauté, mais elle avait un extérieur très agréable. Elle était jeune, vingt-quatre ans, de taille moyenne, bien faite : un cou de marbre, des épaules rondes, une poitrine ferme ; elle avait un nez mince et droit, un front élevé, des yeux vifs et des cheveux si noirs qu’ils en étaient presque bleus. On lui avait fait épouser un marchand du gouvernement de Koursk, Ismaïlov : elle n’éprouvait pour lui aucun sentiment particulier ».
« Fédia jeta un cri perçant : il venait d’apercevoir Serguéi qui entrait, pâle, les pieds nus. Katérina Lvovna recouvrit le visage enfantin d’un gros oreiller sur lequel elle se laissa tomber de tout son poids. Durant quelques minutes ce fut dans la chambre un silence de mort. « Il ne respire plus », murmura Katérina Lvovna en se levant, mais à la même seconde les murs de la maison tranquille qui avait dissimulé tant de crimes tremblèrent soudain sous une avalanche de coups et de chocs furieux : les vitres tintaient, les planchers craquaient, les suspensions oscillaient et traçaient sur les murs des ombres fantastiques. »
Bio rapide et liens
Nikolaï Leskov, né en 1831 et mort en 1895, est un romancier et nouvelliste russe peu connu du XIXe siècle. Peintre de la société russe, grand conteur sous estimé, Leskov est admiré par Gorki et influencé par Tolstoï. La nouvelle Lady Macbeth au village a servi de base à l’opéra Lady Macbeth de Mzensk de Chostakovitch.