Peut-être suis-je encore trop sous le charme de cette pièce mais elle est, selon moi, une des meilleures pièces de Giraudoux. Et pour cause ! Humour, amour, et tragédie coïncident merveilleusement bien dans cette œuvre où le merveilleux se mêle à l’humain. La belle et effrontée Ondine, nymphe adoptée par Auguste et Eugénie, représentants de l’humanité prosaïque, rencontre le preux et séduisant chevalier Hans von Wittenstein zu Wittenstein. Ce chevalier, qui s’était perdu dans les bois, est reçu dans la maison d’Auguste et d’Eugénie et lorsque la belle Ondine entre, elle ne peut s’empêcher de lui dire à quel point elle le trouve beau. Cette scène cocasse et comique ressemble à de nombreux autres scènes de cette pièce où l’humour et la dérision rendent l’histoire encore plus vive et soulignent l’insolence d’Ondine et sa difficulté à s’adapter au monde de la Cour du Roi.
De ce décalage naît pourtant le tragique de la pièce. Car Giraudoux n’innove pas en ce qui concerne l’histoire choisie. S’inspirant de la mythologie germanique, il fait de l’histoire d’Ondine et de Hans un amour impossible. En effet, Ondine, persuadée qu’Hans saura rester fidèle, voit en lui l’homme parfait. Elle accepte donc de quitter le monde des nymphes aquatiques pour rejoindre celui des humains. Mais son oncle, le Roi des Ondins, pose des conditions. Si Hans vient à tromper Ondine, il mourra. C’est ainsi que se scelle petit à petit la tragédie annoncée dès le départ par Hans lui-même (cf. citations). La jalousie qu’Ondine ressent envers Bertha, parfaite au milieu de la Cour du Roi, montre déjà que l’amour dont rêvait Ondine ne rimera pas avec sérénité.
La pièce, dans son aspect poétique propre à Giraudoux, nous offre alors une belle réflexion sur la tentation et la trahison. L’originalité de la pièce réside également dans la capacité qu’a Giraudoux à faire réfléchir son lecteur-spectateur sur le théâtre alors même que l’action se joue sous nos yeux. Le personnage de l’illusionniste nous montre bien à quel point le théâtre est un art de l’illusion, relevant d’une machinerie dont on voile et dévoile les rouages, pour le plus grand plaisir du lecteur-spectateur.
Quelques citations
« Le chevalier : Tu m’ignorais voilà un quart d’heure, et tu veux mourir pour moi ? Je nous croyais brouillés, à cause de la truite ?
Ondine : Oh! Tant pis pour la truite! C’est un peu bête, les truites. Elle n’avait qu’à éviter les hommes, si elle ne voulait pas être prise. Moi je suis bête. Moi aussi je suis prise. »
Le chevalier : « Il était un chevalier qui cherchait dans ce monde ce qui n’est pas usé, quotidien, éculé. Il trouva au bord d’un lac une fille appelée Ondine. […] Non seulement elle était la plus belle fille qu’il ait vue au monde, mais il sentait qu’elle était la gaieté, la tendresse, le sacrifice. Il sentait qu’elle pouvait mourir pour lui, réussir pour lui ce qu’aucun être humain ne peut réussir, passer dans les flammes, plonger dans les gouffres, voler… Il la salua profondément et repartir épouser une fille noire nommée Bertha !… »
« C’est le grand avantage du théâtre sur la vie, il ne sent pas le rance. »
Bio rapide et liens
Auteur français né en 1882 et mort en 1944, Giraudoux est un romancier mais surtout un dramaturge qui s’est beaucoup inspiré de l’Antiquité pour ses créations.
Giraudoux, avec son style particulièrement poétique, a renouvelé le théâtre du XXe siècle.