Pelléas et Mélisande est avant tout une tragédie symboliste. Il y a chez Maeterlinck un refus du théâtre réaliste et naturaliste qui existe lors de la rédaction. En effet, l’auteur nous amène dans les temps des légendes médiévales avec l’histoire de Pelléas et de Mélisande. Cette belle princesse, retrouvée seule au bord d’une fontaine par Golaud, devient son épouse. Or, plus elle fréquente Pelléas, le frère de Golaud, plus elle s’éprend de lui. C’est avec finesse que le dramaturge nous fait voir les réticences premières des deux personnages éponymes qui savent qu’ils ne doivent pas transgresser les règles ni trahir la parole donnée. Mais la tragédie est ici on ne peut plus liée à l’aveuglement. Ce n’est qu’une fois le mal fait que la vérité saute aux yeux, et c’est toujours trop tard que les yeux s’ouvrent. La beauté du texte est à mettre en relation avec les allusions nombreuses au sens visuel. La pièce se construit autour des sensations corporels. Face à cette écriture de la sensation, on remarque que la pièce est écrite avec finesse et dans un climat mystérieux où tout semble fuyant comme l’eau, image récurrente du texte.
A la lecture, nous comprenons rapidement que la pièce de Maeterlinck est une invitation à un voyage vers l’intérioritédes personnages en présence. Ainsi, les personnages éponymes ne correspondent guère aux carcans habituels de l’amant et de l’amante. L’intérêt de la pièce réside dans l’épaisseur des personnages qui ne se réduisent pas à un seul aspect mais multiplient les facettes, ce qui rend évidemment la tragédie plus riche.
Cette richesse se situe à tous les niveaux du texte et crée un constant clair-obscur dans lequel se trouvent également les personnages. Golaud se trouve ainsi autant du côté de la pureté d’âme, en tant qu’amant de Mélisande, que de la noirceur, lorsqu’il tue son frère. La pièce est donc fondamentalement caractérisée par une puissance de suggestion et devient une tragédie cyclique. En effet, le destin des personnages semble destiné à se répéter, la première scène pouvant correspondre à la dernière. C’est dans cette structure cyclique que se construit la musique, la poésie de la mort et de la passion que nous offre Maeterlinck.
Quelques citations
« Pelléas : Je sors de la chambre de mon père. Il va mieux. Le médecin nous a dit qu’il était sauvé… Ce matin cependant j’avais le pressentiment que cette journée finirait mal. J’ai depuis quelques temps un bruit de malheur dans les oreilles… Puis, il y eut tout à coup un grand revirement ; aujourd’hui, ce n’est plus qu’une question de temps. On a ouvert toutes les fenêtres de sa chambre. Il parle ; il semble heureux. […] Il m’a pris la main, et il m’a dit de cet air étrange qu’il a depuis qu’il est malade : « Est-ce toi, Pelléas ? Tiens, tiens, je ne l’avais jamais remarqué, mais tu as le visage grave et amical de ceux qui ne vivront pas longtemps… Il faut voyager ; il faut voyager… » C’est étrange ; je vais lui obéir… »
« Golaud : Je t’ai fait tant de mal, Mélisande… Je ne puis pas te dire le mal que je t’ai fait… Mais je le vois, je le vois si clairement aujourd’hui… depuis le premier jour… Et tout ce que je ne savais pas jusqu’ici, me saute aux yeux ce soir… Et tout est de ma faute, tout ce qui est arrivé, tout ce qui va arriver… Si je pouvais le dire, tu verrais comme je le vois !… Je vois tout, je vois tout !… »
Bio rapide et liens
Né en 1892 et mort en 1949, Maurice Maeterlinck est un écrivain belge tantôt poète tantôt dramaturge qui appartient au Symbolisme.
Prix Nobel de Littérature en 1911, Maeterlinck est surtout connu pour ses pièces de théâtre dont Pelléas et Mélisandeest l’une des plus connues.