En lisant les Romances sans paroles de Verlaine, on ne peut que constater les liens avec l’impressionnisme dans la mesure où les paysages, bien plus nombreux dans ce recueil que dans les précédents, sont peints sous forme de touches. Le vague et le flou sont au rendez-vous et Verlaine cherche à saisir dans ses vers tous les éléments éphémères de la vie et des sentiments humains. Car, évidemment, les paysages extérieurs et l’intimité se répondent. La force de suggestion des images poétiques et des sonorités permettent justement cette adéquation. Le chant intime et le paysage laissent tous deux entendre le « murmure » évoqué dans la première ariette oubliée. L’ensemble est directement associé à une musicalité toute particulière des mots et des poèmes rompant aussi avec les coupes les plus classiques. La musique, omniprésente chez Verlaine, se retrouve dans des poèmes à refrain comme « Streets » où se retrouve toujours répété « Dansons la gigue ! » mais aussi dans l’évocation du « piano » dans la cinquième ariette oubliée.
Le titre du recueil dit déjà la beauté de l’alliance des contraires, permettant aussi au poète de travailler sur la nuance que le langage verlainien est à même de suggérer. Cette poésie de la sensation se retrouve dans le sillage de la modernité baudelairienne : poésie de la ville (« il pleure dans mon cœur / comme il pleut sur la ville ») et poésie du spleen (septième ariette oubliée). Le poète est alors en voyage et exil dans la ville, comme en attestent les souvenirs de Belgique (« Bruxelles ») ou ceux d’Angleterre (Londres et Paddington, par exemple). Toute l’originalité verlainienne est bien de concilier l’ancien (la posture lyrique) et le moderne (les coupes, la prosodie) ; volonté de conciliation qui peut en partie s’expliquer par la présence de Rimbaud auprès de Verlaine. Enfin, l’ultime poème « Beams » dit toute la tranquillité du poète qui clôt le recueil et qui rompt nettement avec la tonalité élégiaque des premières ariettes oubliées.
Quelques citations
« C’est l’extase langoureuse, / C’est la fatigue amoureuse, / C’est tous les frissons des bois / Parmi l’étreinte des brises, / C’est, vers les ramures grises, / Le chœur des petites voix. / Ô le frêle et frais murmure ! / Cela gazouille et susurre, / Cela ressemble au cri doux / Que l’herbe agitée expire… » (Première ariette oubliée)
« Il pleure dans mon cœur / Comme il pleut sur la ville ; / Quelle est cette langueur / Qui pénètre mon cœur ? / Ô bruit doux de la pluie / Par terre et sur les toits ! / Pour un cœur qui s’ennuie / Ô le chant de la pluie ! » (Ariette oubliée II)
« Tournez, tournez, bons chevaux de bois, / Tournez cent tours, tournez mille tours, / Tournez souvent et tournez toujours, / Tournez, tournez au son des hautbois. / Le gros soldat, la plus grosse bonne / Sont sur vos dos comme dans leur chambre, / Car en ce jour au bois de la Cambre / Les maîtres sont tous deux en personne. » (« Bruxelles »)
« Elle se retourna, doucement inquiète / De ne nous croire pas pleinement rassurés, / Mais nous voyant joyeux d’être ses préférés, / Elle reprit sa route et portait haut la tête. » (« Beams »)
Bio rapide et liens
Poète français né en 1844, sa vie est bouleversée par sa rencontre avec Rimbaud avec lequel il vit une histoire d’amour passionnée et destructrice.
Figure du poète maudit, Paul Verlaine meurt à Paris, en 1896.